Le Panorama Bourbaki est une peinture cylindrique de 10 mètres de haut, 35,6 mètres de diamètre et 112 mètres, conservée dans un musée consacré à Lucerne en Suisse. C'est l'une des rares de ces peintures géantes en vogue au XIXe siècle à avoir été conservée à ce jour. Due au peintre suisse Édouard Castres, elle représente avec réalisme un épisode de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 : la débâcle de l'armée Bourbaki de janvier 1871 et son internement en Suisse où elle avait cherché refuge. Elle illustre aussi l'une des premières actions humanitaires d'envergure de la Croix-Rouge.
Le panorama Boubaki a été créé à une époque où de nombreuses autres fresques cylindriques étaient apparues en Europe. La popularité de ce genre au XIXe siècle vient du fait que c'était l’une des rares possibilités d’avoir une vision réaliste d’un autre endroit. En 1826, le panorama temporaire érigé à Amsterdam représentant le bombardement d'Alger de 1816 s'était avéré être un investissement très lucratif. La peinture panoramique de l'artiste belge Émile Wauters, le Panorama du Caire, fut successivement exposée à Vienne, Munich, Bruxelles et la Haye. Toutefois, à parti des années 1880, l'intérêt populaire pour ces attractions commença à s'éroder et les propriétaires des panoramas firent face à des difficultés financières.
L'Armée de l'Est est formée à Bourges en décembre 1870 afin de
rallier Belfort où résiste le colonel Denfert-Rochereau retranché
dans la citadelle, et de briser la progression de l'armée
prussienne vers le sud. Cette armée, qui compte
140 000 hommes, est souvent désignée du nom de son
général, Charles Denis Bourbaki. Débarquée par le train à Clerval,
à mi-chemin entre Besançon et Montbéliard, l'Armée de l'Est reprend
rapidement Villersexel, au nord de Clerval, aux Prussiens le 9
janvier 1871, puis se tourne vers l'est pour délivrer Belfort. Le
froid est extrême et l'armée de l'Est, trop rapidement préparée,
n'est pas assez équipée pour y faire face. Des combats très rudes
ont lieu du 14 au 18 janvier dans la région de
Montbéliard-Héricourt mais rien de décisif n'est obtenu par l'Armée
de l'Est pourtant très supérieure en nombre aux 52 000
Prussiens du général von Werder retranchés derrière la Lizaine.
Bourbaki décide alors de faire retraite vers Besançon puis Lyon,
mais le déplacement dans sa direction du corps d'armée du général
von Manteuffel, signalé sur les hauteurs autour de Quingey, le fait
dévier vers Pontarlier. Oubliée par l'armistice du 28 janvier 1871,
l'Armée de l'Est n'a comme seule ressource que de passer en Suisse
où elle sera internée après avoir été désarmée, ce qui est effectif
à partir du 1er février 1871, après signature d'une convention
entre les chefs militaires français et suisse, la Convention des
Verrières, du nom du lieu du principal point de passage de la
frontière. 87 847 hommes dont 2 467 officiers, sans
oublier 11 800 chevaux, 285 canons et mortiers, et 1 158
voitures vont passer la frontière dans les jours suivants.
Cette retraite tragique à travers le glacial plateau du Haut-Doubs,
où la température descend jusqu’à moins 20°, va émouvoir l'opinion
suisse et internationale, et marquer profondément le jeune peintre
suisse Édouard Castres, volontaire de la Croix-Rouge du côté
français qui a accompagné l'Armée Bourbaki dans sa retraite et va
rentrer en Suisse avec elle.
L'accueil et la répartition en internement sur quasiment tout le
territoire suisse de près de 90 000 hommes épuisés est
d'ailleurs la première grande action humanitaire de la toute jeune
Croix-Rouge (fondée en 1863), et s'inscrit dans la politique de
neutralité de la Confédération helvétique. Malgré les secours
apportés, 1 700 hommes épuisés mourront pendant leur
internement en Suisse.
Marqué par la détresse et la souffrance intense des soldats de Bourbaki qu'il a rencontrés, Édouard Castres fait d'abord plusieurs esquisses et tableaux, puis, en 1881, après plusieurs années de préparatifs et de documentation, il se lance directement à même la paroi de la rotonde, située alors à Genève. Il fait travailler avec lui 12 jeunes peintres et cette équipe réalise l’œuvre en seulement 5 mois. La toile fait à l'époque 14 mètres de hauteur. L’œuvre est financée par l'entrepreneur genevois Henneberg, qui, en homme d'affaire avisé, compte attirer un large public grâce au côté patriotique et humanitaire de l’œuvre. Le succès ne sera que temporaire, ce qui conduira au déménagement du panorama à Lucerne en 1889 pour y toucher un nouveau public.
Édouard Castres se concentre sur l'aspect humanitaire de la situation contrairement à d'autres panoramas réalistes créés en Europe après la guerre de 1870 qui privilégient traditionnellement les aspects héroïques de la guerre. Il n'illustre pas une victoire mais la misère humaine qui résulte d'une défaite et les secours apportés aux victimes d'une situation extrême.
La peinture montre successivement trois grandes étapes du périple :
Les 2e et 3e parties de la peinture sont émaillées d'actes de solidarité auquel le peintre rend ainsi hommage : près de la voie ferrée, des soldats se réchauffent autour de petits feux, grâce au bois, à la paille et des couvertures apportées par des civils. Dans l'arrière-pays suisse où s'enfonce ensuite une partie de cette armée en déroute, les habitants viennent spontanément nourrir et soigner les soldats. Un prêtre portant l'emblème de la Croix-Rouge administre l'extrême-onction à un soldat mourant.
Le panorama est inauguré le 24 septembre 1881. Depuis la plateforme centrale, les spectateurs sont plongés au cœur de la tragédie. Le Journal de Genève écrit : « L’illusion est complète [...] et tout l’ensemble est d’un effet saisissant ».
Le panorama Bourbaki est abrité dans un bâtiment spécifique, construit à cet effet en 1889 après que le Genevois Benjamin Henneberg fut venu s’installer à Lucerne avec son panorama Bourbaki, qui avait été exposé à Genève depuis 1881. Une rotonde fut construite au 10 et 11 Löwenplatz afin d’accueillir le tableau cylindrique en lieu et place d'un projet de musée de la bataille de Sempach qui venait d'être abandonné. Son rez-de-chaussée était occupé par des locaux commerciaux.
Le bâtiment d'origine est une construction à armature métallique quasi circulaire, en fait un polygone composé de 16 côtés égaux. La construction comporte des pignons, corniches et lanternes communs à l'époque de la construction. L'espace consacré à l’œuvre, d'une circonférence de 112 mètres environ, comporte en son centre une plateforme pour les visiteurs. Le réalisme de la peinture est rehaussé par le « faux terrain » qui garnit le sol entre la plate-forme et la peinture. La lumière du jour éclaire la peinture au travers de la verrière dut toit tandis que les visiteurs en sont abrités par une petite guérite qui coiffe la plateforme d'observation.
En 1925, en raison de la forte concurrence du cinéma, David Alfred Henneberg dut vendre le panorama. L'acquéreur, l'entreprise Koch & Söhne, fit du rez-de-chaussée un parking dernier cri doté en 1926 d'une plaque tournante en bois actionnée par un ascenseur de la maison Schindler, toujours fonctionnel aujourd’hui.
En 2000 fut ajoutée une construction en verre, aux formes simples, composée de panneaux de béton, de verre, d’acier, de briques et de panneaux de bois afin d'enrichir l'offre culturelle du bâtiment (voir ci-après le paragraphe "situation actuelle").
Le bâtiment figure à l'inventaire cantonal lucernois des monuments et constructions. Il s'agit d'un bâtiment historique classé qualifié de sensible.
Le bâtiment du panorama Bourbaki réunit désormais sous un même toit une offre culturelle multiple (bibliothèque, espace d'exposition, cinéma, restaurant), ce qui fait de lui une « maison des médias, des rencontres et de la culture ».
La ville de Lucerne et la Fondation Panorama Bourbaki sont copropriétaires du bâtiment et forment ensemble la société appelée STWEG Bourbaki Panorama.
Sensible aux consignes de son commanditaire Benjamin Henneberg, Édouard Castres, bien que témoin oculaire des événements représentés dans son œuvre, tend à magnifier l'héroïsme et la générosité des Suisses, voire leur esthétique. Parmi les écarts les plus notables entre la réalité et la peinture, on trouve :